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Du vin, du vent.

vendredi 21 novembre 2008, par Gérard Lambert - Ullmann

Il ne sait « pas quoi faire de dieu » et « en général, c’est réciproque ». Mais, pour l’Entre-deux-mers, il se débrouille, surtout quand Cheval Blanc amène les huîtres. Néanmoins, pour une Sybille pas si vilaine, il est prêt à réussir le « tour de force imbécile » de boire de l’eau au Portugal, provoquant l’étonnement justifié d’un vieux lisboète francophone : « Vous êtes français, vous venez au Portugal et vous buvez de l’eau ! ». Le plus bête, c’est que ça n’a servi à rien. Envolée, perdue quand même, la Sybille, comme toutes les précédentes. Du coup, il irait bien jusqu’à Cuba, mais la jauge d’essence de la 4 L est en baisse !

Voilà, jusque là c’est seulement sympathique, mais déjà sympathique, ce qui n’est pas mal. On se dit qu’avec un gars comme ça, n’hésitant pas à « tituber entre le plus atterrant folklore méridional et la légende des bistros de France », on n’hésiterait pas trop à boire l’anisette, surtout s’il apporte les olives.

Mais, voilà qu’on tourne la page et qu’on tombe sur une nouvelle qui s’appelle « Traîner » et, là, on a l’impression d’avoir tiré une perle du plat de pistaches. Là, on n’est plus dans le « minimalisme » agréable. Là, on touche à du solide, à quelque chose qu’on sent depuis longtemps sans trouver les mots : « Traîner, je crois, implique la dépossession, la perte. Plus qu’un savoir-vivre, sans doute faut-il accepter la fuite, l’ivresse, les excès nécessaires. Le rythme est lent ; la mélancolie s’impose, le rire n’est pas exclu mais relégué à sa fonction de soupape dédramatisante. On connaîtra des sueurs de poète du dimanche, un écartèlement imperceptible de l’âme, une grâce d’être au monde tout en s’y sentant disgracié, un désir poignant d’errance et de déshérence, avec le regard qui tremble sur la vie comme à la surface du verre, et ce rien qui passe, cette faille qui fait que l’enfant et l’homme se retrouvent, hors d’âge. »

Pour avoir su nommer ça. Pour avoir su dire avec la plus absolue perfection « ce que traîner veut dire », ce Polack d’Andrzejewski mérite plus qu’une accolade distraite. Il mérite que l’on mette chapeau bas, et ! haut, le verre !

Claude Andrzejewski, Du vin, du vent. (La Dragonne. 12 €.)