Prix Loin du marketing

Prix
Loin du marketing
Quinzième et dernière édition

En quinze ans d’existence, le prix Loin du marketing aura parfaitement réussi ce que sa conception supposait : provoquer à son sujet le silence quasi général du « milieu » du livre. Il en sort fier de cette omertà qui confirme sa démarche très clairement annoncée dans sa présentation : Comme son nom l’indique, le prix Loin du marketing est voué à honorer un écrivain dont les éditeurs n’ont pas les moyens de se payer placards en chêne dans la presse pipeule, attachées de presse aux jolies menottes, cocktails aux tam-tams et dîners de connivence, renvois d’ascenseurs et de monte-charges, et, donc, ont peu de chances de voir leurs livres chroniqués dans les médias, et moins encore d’être invités par les bonimenteurs des radios et télés, pas plus que d’intéresser la plupart des libraires l’œil scotché sur le compteur des « meilleures ventes » et contraints de « faire du chiffre » pour payer le loyer. Le prix Loin du marketing est donc voué à honorer un écrivain qui n’a pas bénéficié des stratégies conçues pour que ça marche et qui ne peut compter que sur la qualité de ses écrits pour qu’on s’y intéresse.

Il était logique que, piétinant ainsi les plates bandes du bling-bling éditorial, ce prix n’ait pas été reçu à bras ouverts par cette industrie. Ce n’est évidemment pas ce qu’il cherchait. Son intention était moins illusoire et plus humble : attirer un tout petit peu l’attention de quelques lecteurs vers des auteurs maintenus par la brosse à reluire médiatique dans une « confidentialité » exsangue. Estimant avoir réussi cela, il peut partir content, sur un salut adressé à un de ces « excentriques » qui, dans une quiétude de flamand rose,* marche à l’ombre des pyramides friables de la « célébrité ».

Le quinzième et dernier Prix Loin du marketing
a donc été attribué en août 2023,
pendant la sieste estivale des commerciaux,
à Joël Cornuault pour l’ensemble de son œuvre.

Lire Joël Cornuault c’est dégrafer lentement la robe du rêve dans la mansarde du temps. C’est goûter à mille idées désuètes sur la trace de ces moments rares, loin de la pensée verrouillée , où le rêve parvient à piéger la réalité. Que ce soit en arpentant les rues de son enfance ou en musardant sur les pas d’André Breton, Elisée Reclus ou Thoreau, Joël Cornuault est un captivant philatéliste d’émotions, chez lequel l’humour caresse une tendresse refusant tout pessimisme crépusculaire. Qui d’autre, de nos jours, fera l’éloge de la courtoisie des batraciens ? Qui d’autre aura pensé à poser aussi joliment la question cruciale : Mais où sont les neiges de demain ?

Joël Cornuault, funambule sur mots, a donc bien mérité d’être le dernier lauréat d’un prix que ce genre de préoccupation ne laisse pas indifférent.

Profitons en également pour faire l’éloge de ses éditeurs, ces artificiers insolites qui, avec autant d’élégance que de ténacité, ont voué leur vie à faire connaître de tels auteurs contre toute « raison » commerciale. Sans eux, le « monde du livre » serait d’une désolation absolue. Il faut saluer chapeau bas ces sculpteurs du « superflu » sans lequel les relations humaines ne seraient que cliquetis de rouages et la vie un déprimant labeur.

Salut, donc, et longue vie à tous ces virtuoses de « l’inutile » essentiel.

Gérard Lambert-Ullmann

* En italique : bribes de textes de Joël Cornuault.

Bibliographie choisie
(Sélection parmi les 27 titres édités et les 14 traductions parues depuis 1985)

Géographies humaines et autres textes, Plein Chant, 1985.
Portraits de Florentin, Plein Chant, 1987.
Les attachements, Plein Chant, 1989
Le San Francisco de Kenneth Rexroth, (Traduction) Plein Chant, 1997
Souviens-toi de vivre, Plein Chant, 2001
La nuit et le clair de lune, (Traduction) de Henri David Thoreau, La Brèche, 2002
André Breton et Saint-Cirq-Lapopie, Plein Chant, 2003
Thoreau, dandy crotté & autres portraits américains, Du Sandre, 2013
Le sentiment des rues, Le temps qu’il fait, 2017
Tes prairies tant et plus, Pierre Mainard, 2018
En lisant, en rêvant, Le temps qu’il fait, 2023

Joël Cornuault est également le directeur de la revue Des pays habitables :
https://pierre-mainard-editions.com/authors/1450/

Les précédents prix Loin du marketing :
Lionel Bourg (2009), Pierre Autin-Grenier (2010), Allain Glykos (2011), Françoise Moreau (2012), Cathie Barreau (2013), Jacques Josse (2014), Valérie Rouzeau (2015), Jean Claude Leroy (2016), François Thibaux (2017) Lucien Suel (2018), Antoine Choplin (2019), Hélène et Jean François (2020), Louis Dubost (2021), Thomas Vinau (2022).