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En attendant le roi du monde.

mercredi 5 août 2009, par Gérard Lambert - Ullmann

« Sois toujours extrêmement conscient d’un truc, mec, a dit Lucien. Gengis Khan aurait eu trois grues comme celle-là, aujourd’hui tu parlerais mongol. » On est à Lisbonne et Lucien fait visiter son chantier à Romain. La veille, ils ont repêché Pépé qui avait basculé dans le Tage après avoir déboulé sur son fauteuil d’infirme la rue Do Alecrim jusqu’à Caïs de Sodré. Mais, comme il était bourré, il a cru que c’était un cauchemar.
Voilà : C’est un tout petit bout des aventures de Romain à Lisbonne. Il ne voulait pas y aller mais Ana, sa portugaise aux décolletés stupéfiants a réussi à l’y exiler. Alors, il traîne et il déconne. Une petite sauterie par ci. Une beuverie floue par là.
Romain, comme son pote Lucien, n’aime pas trop le « progrès » et ses « Pride ». Ils ne se sentent pas très en phase avec un monde où « c’est réac de manger par la bouche » et rêvent d’une société sans Fête de la musique. Mais ! pas du genre révolutionnaires. Lucien aspire plutôt à la venue d’un « nouveau Gengis Khan, un peu plus féroce que le précédent, si possible ». Il faut dire qu’il est habité, au sens propre du terme, par tous les grands dieux barbares, et que, lorsqu’il copule, c’est d’une manière cosmique plutôt impressionnante. Romain le trouve bien un peu « spécial », mais se laisse mener sans rechigner vers un univers qui décolle fort. Et on le suit en se marrant pas mal, car elle n’est pas triste cette saga qui ose sortir Lisbonne de son rôle mythique de labyrinthe pour pamoisons touristico-fadistes, et qui fonce sans effort vers un délire final aussi hallucinant qu’imprévisible au début du bouquin. On sourit, on rigole, on se marre, on se bidonne, et d’un seul coup, après le point final, la question nous saisit à la gorge : est-ce si marrant que ça ?

Olivier Maulin, En attendant le roi du monde,
L’esprit des péninsules, 18 €.