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Traité de la cabane solitaire

lundi 13 octobre 2008, par Gérard Lambert - Ullmann

Parfois, là où il y a du zen, il y a du plaisir. C’est la réflexion qui vient aussitôt à l’esprit après la lecture de ce livre. Car si l’auteur s’y lance de temps en temps dans quelques considérations sur le Tao, dont un lecteur comme moi se passe volontiers, il est assez lucide pour ne pas s’y attarder, concluant son propos d’un « Euh ! Quel jargon idiot ! Assez ». Il a d’ailleurs prévenu dès le début : « Simplicité, sobriété, dépouillement, solitude. Il n’est pas exclu, pourtant, qu’ici où là on entrevoie une cuisse, on verra ».

C’est donc sur un mode plutôt bon vivant que l’on parle ici des cabanes, du plaisir de s’en construire et de les habiter. Loin d’un traité technique, c’est à l’esprit des cabanes qu’on s’intéresse, et à l’esprit de ceux qui s’y abritent, s’y reposent, y méditent, y rêvent. Poètes de l’époque Tang : Li Bai, Du Fu ; « Vagabonds célestes » à la Kerouac, Gary Snyder, Alan Watts ; « Beautiful loosers », Cohen, Jack London, Dylan ; Tribus indiennes, Touaregs ! Car on comprend d’emblée que la cabane est indissociable du voyage ou, plutôt, du vagabondage, et de cette « joyeuse aptitude à vivre » que l’auteur remarque chez les gitans. On se balade donc de l’éloge des « brutes délicates » à la Jim Harrison, à celui de Han Shan, l’ermite de la montagne froide. Mais ce livre, où Bouddha se frotte au rodéo, n’est pas non plus un répertoire foutraque de toutes sortes de personnages. C’est en suivant son propre chemin que l’auteur rencontre ces poètes errants qui allient « légèreté et profondeur ». Et c’est en parlant de la manière dont il s’est coltiné avec la réalité concrète qu’il nous ouvre la porte de la cabane comme lieu symbolique de l’esprit de liberté. Cela nous vaut des pages d’une parfaite justesse où il nous parle merveilleusement de ce que l’on ressent en reconstruisant une maison de ses propres mains à partir d’une ruine. Cela nous vaut aussi des considérations d’une plaisante discordance d’avec le discours dominant : « Quand les brigands et les voleurs perdent le sens de l’honneur, il est temps de s’inquiéter de la marche du monde ». Cela nous vaut, surtout, des pages d’une lumineuse poésie, que l’humour épice joliment. « Pourquoi les anges volent-ils ? » demande Chesterton : « Parce qu’ils se prennent à la légère ».

Gérard Lambert-Ullmann.

Antoine Marcel, Traité de la cabane solitaire, Arléa, 18 €.