Bel abîme

Yamen Manai, Bel abîme.

Non, il n’est pas « affilié à un groupe terroriste ». Il n’aime pas les groupes. Il sait ce que c’est. Il en a fréquenté un au collège. Cette expérience a suffi à le vacciner contre ces tremplins pour faux culs. C’est tout seul qu’il a tiré sur son père et ces crapules de notables. Du haut de ses quinze ans il le revendique fièrement. Il n’a pas tiré au nom d’Allah. La mosquée, il n’y va plus. Les islamistes, il ne peut pas les encadrer. Il n’a eu besoin que de sa rage pour agir.

Ça s’est passé là où chacun pisse sur le mur du voisin, où les égouts vomissent dans les rues et les poubelles envoient à la gueule des effluves rances et des hordes de moustiques. Dans cette banlieue pourrie que tant de jeunes fuient en se jetant dans la mer, qui les avale.

La violence pourtant, il n’aimait pas ça. Mais, cogné par le père, cogné par les profs, cogné par les flics, être devenu violent à son tour n’a été que « rendre un chouïa la soupe » qu’on lui a toujours servie. Certes, il aurait pu continuer à bien travailler à l’école et « avoir un beau diplôme avec lequel se torcher le cul avant d’aller le visser à une chaise au café des sports ». Mais, ces mensonges, il ne les digère plus. « Ces fausses perspectives, ce discours de charlatan ne dupent plus personne. Un jour ça vous pétera à la gueule comme un feu d’artifice. » Lui, il se révolte contre la pire conséquence de la pauvreté : la « pauvreté de cœur ».

S’il a tiré, ce n’est pas au nom d’Allah. C’est au nom de Bella. Celle qui n’a eu de cesse de faire ressortir sa « meilleure face, la plus brave, la plus digne » et qui a « forgé » en lui « une force » qu’il ne se soupçonnait pas. Pourtant, Bella n’était pas une Walkyrie. Elle n’était que...

Il faut lire ce livre pour le savoir et comprendre ce qui peut faire basculer l’amour vers une rage folle contre les « rivières de fiel ».

Gérard Lambert-Ullmann

Yamen Manai, Bel abîme, Elyzad poche, ISBN 9782492270994, 7,50 ?