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Christian Estèbe

mercredi 22 septembre 2010, par Gérard Lambert - Ullmann

Quelqu’un qui est copain avec Pierre Autin-Grenier et Michel Luneau, et qui aime Georges Heinen et Henri Calet, ne peut pas écrire de mauvais livres. C’est le cas de Christian Estèbe, un de ceux qui, de bonne heure, a « dérapé dans la littérature » et a découvert qu’ils étaient « des milliers avec la même névrose ». Est-ce pour cela qu’au lieu d’écrire des bête-sellers à la pelle, il s’est contenté de ciseler quelques petits bijoux ? Sans doute un peu. À l’annonce de la parution d’un de ses premiers livres, il note : « J’avance vers ma joie et ma victoire : le succès, les gros tirages, que nenni ! La certitude que ces quelques feuilles de papier cousues entre elles le sont par des mots d’amour ».

Effectivement, qu’il raconte Les jours de la barque au cours desquels les enfants s’épuisent à devenir adultes ou qu’il note dans Le petit livre de septembre ses réflexions sur une année de bibliothécaire dans un de ces collèges aux bâtiments « laids, carrés, coupants » (« Pourquoi les fils des hommes s’ingénient-ils à dresser leurs enfants par le malheur en leur affirmant que c’est pour leur bien ? »), c’est toujours avec une grande délicatesse et une belle tendresse qu’il aborde le monde.

Dans son dernier livre, Des nuits rêvées pour le train fantôme, Estèbe nous dissèque avec finesse les affres d’un surnommé Chronique qui se veut écrivain. Son manuscrit en chantier sous le bras il joue les Kerouac des Cévennes à Nice, en passant par quelques allers-retours sur une route où il s’adonne à des petits boulots, pas toujours très nets, une histoire d’amour androgyne à l’érotisme chaud, et de nombreuses descentes de boissons disparates. Il tente tout bonnement de vivre autre chose que ce qui avait été prévu pour lui : « Une vie d’épluchure au fond de la poubelle du quotidien ». Mais il lui faudra, pour cela, perdre bien des illusions, dont, entre autres, celles qu’il peut avoir sur le milieu littéraire, « monde clos qui oscille entre les pleurnicheurs, les prédateurs, les salauds et les lâches ». Histoire avec une fin cinglante et grimaçante, ce roman confirme que le « prurit d’écrire » qui travaille Estèbe depuis longtemps n’est pas une maladie dont il devrait tenter de se défaire.

Christian Estèbe, Des nuits rêvées pour le train fantôme , Finitude, 17 euros.