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L’ivre de mer : Yvon Le Corre

mardi 31 mai 2011, par Gérard Lambert - Ullmann

Yvon Le Corre est de la trempe des grands navigateurs solitaires : les Slocum, Moitessier, Gerbaut. Nomade des mers depuis plus de 50 ans. Naviguant toujours à la voile sur des bateaux construits de ses mains, il a connu les épreuves, les naufrages « qui vous forgent au lieu de vous anéantir » et les joies : la liberté de faire exactement ce qu’on veut ; les rencontres fraternelles d’hommes aux « regards profonds, clairs, silencieux » (les trimardeurs de la voile des pays pauvres) ; et le bonheur de toucher, au ras de l’eau, au coeur des océans, à une « étincelle d’éternité ».
Il a été le « mentor » de Titouan Lamazou, mais au tapage des promotions du marketing, il préfère la discrétion de « ceux qui se passionnent dans leurs oeuvres ». Et à ceux qui considèrent la mer comme l’ennemi à vaincre, il oppose la vérité de la lenteur.
Ses livres sont bien plus que des « carnets de voyage », quoiqu’ils soient superbement et abondamment illustrés de ses dessins et aquarelles. Et ils ne concernent pas que les marins, car il s’en dégage une sorte de philosophie très poétique, la sagesse d’un ami des « hommes aux mains ouvertes » et d’un ennemi du « cynisme des gens de pouvoir ».
Son petit dernier, L’ivre de mer, résume à lui seul, par son procédé de fabrication, l’esprit de son auteur : Pour le réaliser, il s’est mis à la typographie, cet art des imprimeurs que l’imprimerie moderne a laissé mourir. Pendant cinq ans, sur des feuilles de vélin « si beau que c’est un crime de le salir », il s’est livré au « dialogue entre monsieur plomb et madame inspiration ». Il en est sorti un livre au charme des ouvrages d’antan, dont il a vendu les tirages de tête à des amateurs de beauté, et dont il propose aujourd’hui un fac-similé aux moins fortunés.

Yvon Le Corre, L’ivre de mer, 27 euros.