Accueil > Conseils de lecture > Toujours à la carte > Petit Traité du jardin en ville

Petit Traité du jardin en ville

mercredi 1er avril 2009, par Gérard Lambert - Ullmann

Derrière l’humble voilette d’un titre modeste se cache, avec la pudeur d’une rosière, une beauté rare qu’il ne faut pas craindre de dénuder. C’est un livre qui a « été travaillé comme un jardinier travaille son jardin, c’est-à-dire toute la journée, toute l’année ; taillant par-ci par-là (mais pas n’importe comment), laissant pousser ailleurs librement, guidant, accompagnant ce qui croît ». On peut donc s’y promener comme au coeur des plus beaux jardins dont le fouillis savamment calculé réserve des plaisirs à chaque détour. Ici on trouve de belles considérations sur ce qui invite le promeneur à la promenade. On se souvient à propos que, pour sortir se promener, il faut se sentir d’humeur « buissonnière ». On constate que le promeneur en ville
« crée des passages » et que, lorsqu’il s’arrête, « une clairière imaginaire se reforme autour de lui » ; qu’il est « celui qui sait voir la lumière dans l’ombre des murs ». Là, on se souvient que « certains hivers des cygnes faisaient leur apparition sur la plage de Saint Nazaire » et l’on se demande si l’on peut « traverser une place sous la pluie sans se prendre pour une sculpture de Giacometti ». On étudie « l’urbanité » du jardin ; les « joutes amoureuses » des villes et des jardins ; la manière dont le jardin se faufile dans la ville et comment la ville s’ouvre à lui ; comment l’arbre force l’asphalte et comment «  les plantes vertes défient les murs et le ciment ». On fait l’éloge de la
« jonction harmonieuse du minéral construit et du végétal organisé », sans ignorer que les urbanistes la gâtent plus souvent qu’ils ne la favorisent : « ce qui est authentique et parfois émouvant se fait souvent contre les projets d’aménagements ». On sait que jardin et philosophie sont liés depuis toujours, car le sensible participe de l’idée, et on marche sur les traces de Bernard Palissy qui avait fait de son jardin « un espace dédié à la sagesse dans le monde de la folie ». On croise aussi Chateaubriand et Queneau, Nicholas Ray et Hegel, Epicure et Rilke. On se laisse charmer par des noms : Butte aux cailles, Rue des cinq diamants, Marché des enfants rouges, Montevideo aussi, car le nom de la ville provoque un déclic qui « allume une image ». On constate que le fait de jouer aux boules « fait remonter l’accent ». Et, surtout, on s’y pose à tout bout de champ (bien sûr) des questions cruciales comme : « Quelles sont ces merveilles qui accompagnent les monts ? » Alors, quand, enfin, on découvre que « c’est Merlin qui a appris à siffler aux merles » on est, bien évidemment, le plus enchanté des lecteurs.

Jean Louis Vincendeau, Petit traité du jardin en ville,
Desclée de Brouwer, 15€.