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Conseil de lecture

vendredi 20 octobre 2017, par Gérard Lambert - Ullmann

Quand on a été victime d’un attentat, se refuser à nourrir le voyeurisme, alimenter la machinerie du spectacle, soutenir les discours abrutissants, rien de tout cela n’est facile. C’est pourquoi Erwan Larher, écrivain, ne voulait pas, a priori, écrire de livre sur l’attentat du Bataclan où il fut blessé. L’insistance de ses amis l’a convaincu de le faire tout de même, et ça donne ce livre fort qui a l’intelligence d’orienter vers une réflexion plus profonde les questions idiotes (Ça fait quoi de recevoir une balle dans le cul ? D’avoir une « Kalach » au dessus de la tête ?).
Erwan Larher ausculte ce qu’on imagine savoir et qu’on comprend, en le vivant, qu’on ne le savait pas. Il fouille le rapport de la tête et de la chair (Sur lequel on pourrait, pour dédramatiser, renverser une fameuse réplique populaire : « Parle à ma tête, mon cul est malade ! »). Et il parle aux assassins pour chercher des réponses aux questions sensibles : D’où vient ce délire meurtrier ? Sur quoi s’est-il construit ? Qu’est-ce qui l’alimente ?
Le tout guidé par cet espoir, que le premier pessimiste venu battra facilement en brèche, mais qu’il faut néanmoins partager à moins de se tirer soi-même une balle dans la tête (Ce qui, reconnaissons le, serait bête après avoir évité celles des autres) : Si la littérature ne peut pas arrêter les Kalachnikov, elle peut, peut être, freiner le doigt sur la gâchette.
Bien sûr, il faudrait pour cela que les éventuels poseurs de doigt sur la gâchette croisent dans leur vie un petit bout de littérature. Ce qui n’est guère probable, mais le sera moins encore si personne n’essaie d’y contribuer. Erwan Larher a fait ce choix difficile. C’est tout à son honneur.

Erwan Larher, Le livre que je ne voulais pas écrire, Quidam éditeur, 20 €.