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Hommage à René Rougerie

mardi 16 mars 2010, par Gérard Lambert - Ullmann

Hommage à René Rougerie

Qu’il parle de son métier ou qu’il défende les droits d’un homme, René Rougerie s’investit tout entier dans une langue juste et savoureuse qui porte sa conviction, sa colère, sa détermination et son amour des choses bien faites, bien dites.
Défendant la poésie, il défend le langage le plus pur, au plus près de l’expression intérieure et de la vérité.
Lucide, et peut-être même pessimiste de nature, il fait confiance à la parole lorsque celle-ci sourd de l’être incarné qui cherche, par-delà le poids des mots, à traduire les jours et le déchirement de sa condition.

Hélène Cadou
Un bâtisseur en poésie

On dira de lui qu’en « infatigable défenseur de la poésie française » il a édité, en plus de soixante ans, près de 1500 ouvrages. On citera Boris Vian, Max Jacob, René Guy Cadou, Joë Bousquet, Saint Pol Roux. On ne se souciera pas d’afficher les noms de bien d’autres qui ne parlent qu’aux vrais amoureux de la poésie : Baudry, Guénane, Spilmont ! On rappellera le constat de Jean L’Anselme (dont il fut aussi l’éditeur) : « Rougerie, c’est, en poésie, deux fois Gallimard aussi bien pour le nombre de titres publiés à l’année que pour l’étendue de leur diffusion » (Rougerie-Coeur-De-Lion).
Mais ce dont le libraire se souviendra c’est du petit monsieur discret qui, descendant de son auto antédiluvienne, avec son cartable tanné, entrait dans la librairie pour présenter ses livres merveilleux avec une douceur si convaincante et un amour tellement évident qu’on ne pouvait pas lui répondre que la poésie se vend mal, très mal, et que la « trésorerie » des libraires souffre de s’y intéresser (Ce qu’il savait évidemment) et qu’on se retrouvait à chaque fois chargé d’une pleine brassée de ces volumes sans fioritures, comme d’un bouquet de lilas fraichement cueilli.
Alors, bien sûr, on les lisait, et on les trouvait beaux. Et on regardait, muet d’admiration, le petit monsieur si tenace et si modeste repartir vers sa vieille typo (Une « Marinoni » dont le nom caresse, pour le libraire, d’autres souvenirs) pour en tirer d’autres chants.
On n’imaginait pas ne plus le revoir. Il semblait évident que, de toute éternité, il continuerait à pousser notre porte et à nous régaler de ses découvertes. Et on ne se trompait peut être pas entièrement car, certes il vient de mourir, tirant sa révérence alors qu’à 84 ans il présentait encore à un libraire ses dernières productions (dont la très bienvenue réédition de l’oeuvre poétique de Xavier Grall) mais Rougerie n’est pas mort. Rougerie continue avec son fils Olivier, aussi doux et gentil, et aussi passionné. Et les titres rouges sur blanc n’ont pas fini de nous tenter. Rougerie est toujours là. Tant mieux.