Accueil > Pêle-mêle > Adieu à Michel Luneau

Adieu à Michel Luneau

mardi 24 juillet 2012, par Gérard Lambert - Ullmann

« On a beau avoir une vie bien rangée, on finit toujours par la perdre » écrivait Michel Luneau dans ses « Euphorismes » en 2004. C’est ce qui vient de lui arriver. Sans que cela le surprenne. Dès 2009, dans « La séparation de corps » il évoquait cette probabilité avec une grande élégance, dans son style impeccable, toujours orné de cette pointe de dérision qui ne le quittait jamais. « On a vécu parce qu’il y avait chaque jour de l’inconnu devant soi. Ne mourrons pas par attrait du néant ». Anticipant sur la mort à venir, ce livre était en fait une admirable leçon de vie.
Je veux espérer que son « Adieu aux oiseaux » se sera produit bercé par leurs chants puisque, bien que l’ayant envisagé, il n’avait pas quitté cette Rairie où il vivait et dont il avait déclaré l’indépendance avec une logique impeccable et jubilatoire : Constatant son désaccord d’avec l’État français il avait estimé qu’il était temps de « prononcer le divorce » (Je suis fier d’être titulaire d’un « passeport » du Territoire Libre de La Rairie).
Je reproduis ici, en guise de salut, un texte que j’avais écrit pour faire l’éloge des « Euphorismes ». J’espère qu’on pourra y lire ce qui faisait la belle humanité de cet homme là.
Gérard Lambert-Ullmann (23 juillet 2012).

Si Michel Luneau est depuis longtemps un fervent militant du parti d’en rire ce n’est nullement par cynisme ou complaisance pour le sarcasme. C’est, au contraire, parce que sa lucidité est d’une grande humanité, qu’il préfère la parer d’une dentelle de sourires. Qui a lu Gabriel, archange (Flammarion, 1996) le sait : Michel Luneau ne rit pas pour blesser mais pour aimer. Et, s’il s’adonne aujourd’hui aux Euphorismes plutôt qu’au roman pour dire ce qui le tracasse et ce qui l’exalte encore, c’est, fort certainement, parce qu’il a trouvé dans ces confettis le moyen de faire jouer juste les mots qui charment les évidences, aussi amères soient-elles. Michel Luneau sait que « La vie est comme les filles. Elle vous plaque quand on ne l’amuse plus ». Aussi s’efforce t’il d’éviter qu’elle lui fasse la gueule, malgré le mauvais caractère qu’elle montre si facilement. Ce faisant, il nous aide à, nous aussi, la chatouiller de goguenardise et de poésie. Avec lui, nous nous plaisons à constater que « le météorite tombe souvent à côté de ses prévisions » ; que « le petit oiseau a un tout petit Q.I., Q.I. » ; mais aussi que « l’avant-garde n’est souvent qu’un arrière-train » et, surtout, qu’ « on a beau avoir une vie bien rangée, on finir toujours par la perdre ». Côtoyant parfois le Surréalisme (« Heureux l’homme qui dégrafe une girafe ») ou lançant de beaux clins d’oeils à Jules Renard (« Au lycée Papillon, les chenilles passent le bac de la métamorphose ») Michel Luneau nous déride au sens le plus propre du mot : il nous nettoie l’humeur.